samedi 31 mars 2012

DE LA CONSCIENCE EN PREMIERE PERSONNE A LA PSYCHISATION DE L'INDIVIDUALITE ET LA PRISE DE CONSCIENCE DE L'ÂME.

En première personne, il y a un va-et-vient entre la conscience de CELA et la conscience individuelle.

CELA est parfait mais PAS MOI ! Dire que tout est parfait en Cela est une négation de l'âme, une manière subtile d'entretenir l'insincérité de l'ego.


Xavier Thévenot, un théologien chrétien catholique écrit :

« La sainteté ne consiste pas à être parfait : elle consiste à tenter de dépasser par l’action de l’Esprit, nos failles et, quand celles-ci sont indépassables, à les situer pour laisser Dieu mener son combat en nous dans la certitude qu’il nous aime tels que nous sommes…. Être chaste c’est renoncer à un monde sans faille, de purisme… être capable d’assumer la déception de ne point confondre sainteté et perfection. »

Nous pouvons interpréter la sainteté comme conscience de Cela, compris comme lumière divine en nous. Le moi n'est pas parfait mais dans la conscience de la lumière divine il est saint, il y a en lui l'aspiration à la perfection de CELA dans sa manifestation à travers son individualité.

Il y a alors deux mouvements dans la vie intérieure. L'un confirme le libre-arbitre, l'autre le déterminisme.  J'éprouve le libre-arbitre quand je suis libre de me retourner vers la lumière toujours parfaite de Cela ou non. Lorsque j'en suis à ce point critique, je suis libre ou non de quitter le manège de mes pensées, de mes émotions qui ne se regardent qu'elles-mêmes. Mais dès que je sais où regarder la lumière de Cela et que je suis humble devant elle, je suis libéré, mon acte de libre-arbitre lui-même n'est qu'un acte de cette lumière en moi. Ainsi au-delà du libre-arbitre et du déterminisme, c'est la grâce de la vie divine qui reste première puisque c'est toujours elle qui nous libère y compris du serf-arbitre qu'est devenu bien souvent notre libre-arbitre.

Dans ce va-et-vient entre un retrait impersonnel derrière l'ego et le retour à une vie égocentrique oublieuse de CELA, s'esquisse une individualité en harmonie avec CELA. Si on manque de sincérité on ne laissera jamais sa place à cette dimension de nous-même car on jouera notre vie entière sur le mode du va-et-vient entre la vie dans le monde la plus inconsciente et son rejet par la relativisation.

Et basculant dans la lumière de Cela, je vois combien je ne suis que mécanismes. C'est la grâce de Cela qui me libère du déterminisme le plus aveugle. Il y a en Cela moi en profondeur qui suis engendré pure flamme de liberté et il y a moi en surface ce vieil homme. La grâce libératrice qui anime ma flamme doit donc s'étendre et peu à peu me libérer du vieil homme.
Un des signes de sa présence spécifique est la sensation comme d'une descente de la localisation de son individualité au niveau du croisement de la manifestation du monde et du non manifesté. C'est une descente dans le cœur. L'individualité n'est plus une séparation ou un phénomène relatif mais une onde personnalisée de CELA.

Notre sens usuel de l'individualité comporte une mémoire mentale et émotionnelle voire corporelle, cette essence de notre individualité au cœur de CELA n'est ni mentale, ni émotionnelle ou corporelle. Elle a sa propre expérience et semble savoir dans l'instant et la spontanéité des choses qui sont ignorées de l'ego mais son savoir n'est pas un savoir réfléchi. Elle a comme un instinct de la chose vraie. Cette dimension individuelle essentielle peut animer certaines pensées, certaines émotions et certains mouvements corporels en fonction d'une lumière qui lui est propre.

Cette part qui en nous est le Fils de Dieu engendré non pas créé qui nous relie sans médiation au divin transpersonnel (qu'on pourrait dès lors appelé Dieu si cette appellation n'avait pas été disqualifiée par certains de ses usages religieux). En cette part absolument individuelle et divine de nous même, il y a parfois comme la reconnaissance de sa nature en toute chose et en tout être. Au tréfonds d'elle-même, c'est l'étincelle divine, la goutte divine qui contient tout et qui se relie à tout ; à un autre niveau c'est vraiment nous-même, notre individualité dans sa globalité et sa surface n'étant que le fruit d'un processus de l'univers et enfin quand cette étincelle devient une flamme consciente peu à peu les différents aspects de notre personnalité s'unifient autour d'elle et reçoivent son influence. L'étincelle est alors notre âme, notre être psychique qui psychise notre individualité jusque là fruit d'un processus universel de déterminations sociales, familiales et biologiques.

mardi 27 mars 2012

LE REGNE DU POUVOIR MEDIATIQUE DE L'IMAGE OCCULTE LE REEL.

 
Les médias nous présentent ce qui peut se présenter sous la forme d'image. Les dangers mis en valeur médiatiquement sont donc liés essentiellement à des accidents d'auto, d'avion ou de bus ou à des crimes, des actes terroristes, etc.: un danger nucléaire à long terme est moins filmable et bien sûr aussi les choix environnementaux désastreux au seul bénéfice du profit puisque l'action conjuguée de plusieurs poisons ne peut se percevoir avec des images. Ainsi les dangers qui mettent l'humanité en péril et non tel ou tel groupe sont sans cesse minorés dans les consciences ordinaires. On fait des sujets mineurs des sujets majeurs. La complexité du réel est volontiers niée au profit de peurs qu'on peut imager.

Politiquement on va donc s'inquiéter davantage des idées et des croyances qui causent le terrorisme : on peut faire écouter dans un film quelqu'un raconter ses idées les plus effroyables mais comme une analyse des causes sociales, économiques et psychologiques ne se filme pas, on ne réfléchira pas en ce sens. Or lutter contre des idées c'est aussi lutter contre le terreau qui en permet la contagion. Il est certain que l'injustice sociale et économique conjuguée à une éducation familiale usant de la violence présentée comme légitime permet de s'identifier à une solidarité communautariste légitimant la violence si on contrevient à ses règles. Mais quelle caméra peut faire voir ces causes et donc suggérer de vraies solutions ? On préférera brandir des valeurs médiatisables ou affirmer devant les téléspectateurs citoyens des lois contre ces idées effroyables. Dès lors ces valeurs et ces lois ignorant le terreau serviront une dynamique qui échappera à ceux qui les défendent faute de percevoir les forces non mentales à l’œuvre. Tant que l'intelligence du cœur qui est au-delà de l'idée et qui est capable de proposer une solidarité sans coercition idéologique ne prédomine pas comment une solution lucide pourrait-elle émerger pour empêcher la contagion de violence ?

L'évolution de la conscience au-delà du mental ne relève pas du visible mais de mouvement de la conscience invisible au cœur de la matière. Aucune caméra là encore ne saura filmer l'émergence fatale de ce qui mettra au second plan le règne de l'espèce humaine ordinaire pour mettre au premier plan un éveil évolutif. Et là c'est peut-être tant mieux !!! C'est surement au-delà de la complexité écologique que nous devrions envisager, de la finesse du cœur que nous devrions encore développer mais c'est déjà comme une aspiration secrète, un besoin d'être inévitable dans le creux de la poitrine de celui qui perçoit que l'intelligence humaine usuelle est condamnée à la demie-vérité tant qu'elle n'est pas l'expression de mouvements conscients de la conscience non-mentale. 

lundi 26 mars 2012

LA CHARIA (la loi islamiste) ET UNE VOIE INTEGRALISTE D'INTEGRATION DE L'ISLAM par Jigé.

 Voici un extrait du blog Connaissance de soi de Jigé :

N.B : les liens associés au texte de Jigé sont proposés par nous.

Un problèrésolutionme, c’est fait pour être résolu, non? (pas pour être évacué comme le pensent certains groupuscules islamophobes), et comme “un problème insoluble, ça n’existe pas” on est sûr de trouver la solution (d’autant plus que nous sommes “un solutionneur hors pair”). Je disais que nous trouverons la solution, mais c’est qui NOUS? Est-ce que ça n’inclut pas aussi les arabes? Quand nous (= les Occidentaux et les non-Occidentaux –incluant les Arabes) en aurons fini des “dogmes” et des “monothéismes”, peut-être découvrirons-nous que nous sommes tous frères.
En fait, nous sommes DÉJÀ frères puisque nous faisons tous partie de UNE humanité (comme l’ADN le prouve). Pour le découvrir, facile (sauf pour le mental, qui décidément complique tout): il n’y a qu’à enlever ce qui empêche de nous rendre compte que NOUS SOMMES de la même famille (la famille humaine). Et qu’est-ce qui nous DIVISE et nous EMPÊCHE de nous en rendre compte? Une seule chose: la religion (ou plutôt la façon TRÈS INADÉQUATE dont nous comprenons et interprétons la religion). Le fait que certains se croient chrétiens et d’autres, musulmans, est de toute évidence un OBSTACLE qui ne fait que nous DIVISER et qui encourage l’EXCLUSION mutuelle.
Alors que faire? Éliminer les religions? Bien sûr que non, car s’il est vrai que les religions nous divisent, elles enseignent tout de même des valeurs universelles et ça, c’est une chose absolument nécessaire. Mais nous avons tendance à oublier que UNVERSEL veut dire tout le monde, pas seulement les musulmans ou seulement les chrétiens. Officiellement il n’y a donc RIEN qui empêche un Arabe d’être musulman ou un Européen d’être chrétien.
Reste un problème à résoudre: les Droits de l’Homme sont INCOMPATIBLES avec la charia. Attention: ce n’est PAS DU TOUT une question de chrétiens vs musulmans, c’est une simple question de progrès humain. Incompatibles ça veut dire qu’elles ne peuvent PAS exister côte à côte: soit l’Occident adopte la charia (loi religieuse) comme base de sa législation et de son administration (et c’est un énorme recul pour TOUTE L’HUMANITÉ –incluant les arabes), soit les pays musulmans adoptent les Droits de la Personne.
Avant l’immigration arabe on aurait pu dire: chacun sa loi dans son pays (la charia dans les pays musulmans et les Droits de la Personne en Occident). Mais maintenant c’est trop tard pour cela: on a passé le point de non-retour déjà. Maintenant c’est l’un ou c’est l’autre. Décidément l’Évolution savait ce qu’elle faisait en provoquant “la Grande Migration”, comme si elle nous criait à tous: “Mais vous ne voyez donc pas que vous êtes tous de la même espèce? (humaine)”. Personnellement, j’ai toujours vu que les arabes ont une sensibilité spirituelle particulière (qui nous manque à nous, Occidentaux), et qu’en même temps ils sont maintenus dans un immobilisme qui les empêche de progresser. C’est cet immobilisme qui doit cesser.
Si je regarde les forces en présence dans les pays arabes, je vois trois choses; (1) une petite minorité d’islamistes très religieux qui sont fortement en faveur de la charia ET QUI SONT TRÈS AGISSANTS (tellement qu’ils semblent occuper le devant de la scène -pour le moment), (2) une énorme majorité de musulmans qui ne sont en faveur de la charia que parce qu’ils croient que “c’est comme ça que ça doit être”, et puis “l’imam a dit que Dieu l’a ordonné”, et comme on obéit aveuglément à l’imam, on ne se demande même pas si c’est vrai, (3) un groupe de gens encore minoritaire, qui semble peu organisé mais qui croît rapidement, et qui sont CONTRE les islamistes et la charia (surtout des jeunes je crois*). Le (1) semble actif pour le moment, mais il est rétrograde et sera BIENTÔT une chose du passé, le (2) changera rapidement dès que le (1) disparaîtra, le (3) est la force de demain et une promesse pour un avenir souriant (et proche).
NOTE. Les jeunes représentent l’avenir, et sont une force montante. Dans les pays arabes ils n’ont souvent connu que le pouvoir en place. Le “printemps arabe” a montré que quand ils s’assemblent, c’est une force à laquelle RIEN ne résiste.
Attention: les jeunes ont bien un rôle à jouer pour initier la chose, mais ils seront appuyés et suivis par une très forte majorité de gens de tous âges. Et ne nous fions surtout pas à la situation présente (qui semble contredire cela): les choses peuvent basculer TRÈS soudainement. Dans toute cette histoire, les Occidentaux ne sont ni meilleurs ni pires que les autres peuples; simplement ils remplissent les conditions qui favoriseront l’émergence d’une famille humaine, c’est tout.
Alors pour les Arabes, l’Islam, oui, mais la charia, non; musulman oui, islamiste non.
Signature-Plume_thumb2_thumb_thumb_t[1]

lundi 5 mars 2012

CONSCIENCE PURE ET LIMITE DU MENTAL.

Voici un article éloquent sur la question du rapport entre mental et conscience pure que je me permets d'emprunter à David Dubois sur son blog La vache cosmique :

 

Pourquoi pas la voie négative ?

Dans un précédent billet, je me demandais si une voie négative était capable de nous amener à l'expérience de la non-dualité, ou expérience mystique. La voie négative se retrouve dans différents traditions. Au-delà de ses variantes, elle consiste à analyser, à déconstruire les concepts pour induire un état de conscience sans concept. 

Par exemple, ce clavier d'ordinateur. Il n'est pas "un" clavier. Si l'on y regarde de plus près, en effet, il s'avère constitué de multiples parties. Et chacun de ces parties est elle-même composée de partie, et ainsi de suite, à l'infini. Si bien que ce clavier n'est ni "un", ni même "multiple" - car une multiplicité est une collection d'entités unes. Mais s'il n'y a pas de "un", il ne peut y avoir une "multiplicité" de uns. Autrement dit, ce clavier est insaisissable. Il semble exister, mais ce semblant ne résiste pas à l'analyse. De cette manière, on comprend que toutes les choses que nous pouvons saisir sont ... insaisissables. Cette absence de saisie est conscience sans concepts. Cette manière d'arriver à la non-dualité par une méditation analytique est propre au Madhyamaka initié par Nāgārjuna.

J'admets que ce type de méditation peut engendrer un sentiment d'émerveillement. Un équivalent visuel du genre de vertige que l'on éprouve alors, ce sont les films qui zooment sur une image "fractale". Quelque soit la puissance du zoom - de l'analyse - on ne trouve jamais l'élément ultime, l'atome qui serait "composant de" sans lui-même être "composé de". Ce que la physique des particules semble confirmer, jusqu'ici.


Cette méthode est certes importante, car on peut "saisir", c'est-à-dire s'attacher à - des entités très subtiles. Par exemple, la pure conscience, la présence sans objet. C'est le reproche que le Madhyamaka fait à une autre école bouddhiste, celle de la "pratique du yoga" (yoga-ācāra). Selon elle, le sujet et l'objet, nous et tout le reste, sommes engendrés par un esprit unique, comme dans un rêve. Une fois ceci compris, il ne reste qu'une pure présence, sans dualité. Cette approche est moins analytique. Elle est plutôt expérimentale. Le śivaïsme du Cachemire s'en est beaucoup inspiré. Mais il est vrai que cette approche plutôt expérimentale, par la voie d'une méditation de repos, peut engendrer un attachement à l'expérience mystique. La méditation analytique peut alors servir à déconstruire ces expériences pour relaxer l'esprit de leur emprise.

Mais la voie négative est-elle vraiment efficace ? En déconstruisant les concepts, à quoi parvient-on ? La promesse de Nāgārjuna est que l'on arrive à une conscience sans concept. Est-ce le cas ? Je crois plutôt que l'on parvient à un concept de l'absence de concept. Comme le sparadrap du capitaine Hadock, il reste toujours collé quelque part. Comme Droopy, le concept finit toujours par se rappeler à notre bon souvenir. Et ceci, quelque soit le degré de sophistication dialectique dont on fait preuve. Je puis affirmer que je n'ai aucune position, "ni rien ni autre chose", par-delà A, -A, A et -A, ni A ni -A, tout ceci reste de l'ordre de la construction mentale, de l'élaboration de généralités. Je remplace un concept par un autre.

Je vois une confirmation de cette difficulté dans les controverses sans fin suscitées par l'interprétation de cette méditation analytique du Madhyamaka. Nāgārjuna, Bhavaviveka, Buddhapālita, Candrakīrti, ..., Gampopa, Dolpopa, Longchenpa, Tsongkhapa, Gorampa, autant de fins dialecticiens, autant de solutions qui engendrent de nouvelles apories. La polémique semble ne pas avoir d'issue ! Du second siècle au vingtième - et encore aujourd'hui ! - le sparadrap ne veut pas disparaître !

Je ne suis pas un spécialiste, mais il me semble que la solution - ressuscitée au début du XXème siècle par Mipam - consiste à dire ceci : la méditation analytique peut être une préparation utile. Une propédeutique, comme on dit par ici. Mais, comme le fait remarquer Mipam, cette méditation est, dans le meilleur des cas, insuffisante. En effet, elle laisse intacte la dualité du sujet et de l'objet. Le fait que les choses soient vides d'essence, de substance, de Soi, est une chose. Le fait que l'expérience soit vide de la dualité sujet-objet en est une autre. Il y a deux vacuités : la première est un concept, la seconde est une expérience. La première est l'objet de la voie scolastique (pāṇḍita) ; la seconde, celle de la voie mystique ou expérimentale (kusulu). C'est délibérément que j'emploie les termes de la tradition chrétienne, car cette tension entre la voie négative, analytique, et la voie mystique, est universelle. La voie négative nous laisse, au mieux, face à une absence. Cette absence est un concept. Le concept d'absence n'est pas l'absence de concept. Or ce qui importe est l'expérience. 

Dès lors, il me semble qu'une approche expérimentale (ou phénoménologique - ce qui veut simplement dire que l'on prend au sérieux le point de vue de la première personne) est plus efficace. La tradition bouddhiste de la pratique du yoga (yoga-ācāra), les approches mystiques en général, me semblent plus directes. Comme Mipam le reconnaît - lui qui était aussi un maître du dzogchen et de la mahāmudrā - la méditation analytique n'est pas indispensable. On peut se laissder aller directement dans la pure conscience relâchée, ouverte et sans point de référence. On peut alors employer certaines idées de la méditation analytique, sans en faire, toutefois, une "voie". 

Et la Reconnaissance (pratyabhijnā) ? Elle est une voie de l'expérience, de l'intuition, de la synthèse, une voie qui évoque un regard panoramique, une conscience transparente, typique de toute mystique véritable. Rien à faire, juste se laisser porter par ce courant qui resplendit dans le silence entre chaque pensée, qui imbibe tous les concepts et qui est leur vie. 

Quant à l'accusation selon laquelle il y aurait là encore un résidu se saisie dualiste, c'est une affirmation vaine, car la tradition cachemirienne de la Danse de Kālī (kālī-krama) déclare sans ambiguïté que la conscience pure est "sans nature propre" (niḥ-sva-bhāvā). Mais pas sans valeur (satya) ! Ce mot - satya - peut signifier "réalité", "vérité", certes, mais au sens ou cette expérience non-duelle est authentique et bonne. Le bouddhisme ne dit pas autre chose !

Dernière chose : je suis convaincu que la plupart des "éveillés" suivent cette tendance. Surtout les femmes. Mais certains sont prisonniers des méthodes de méditation analytique et autres jeux conceptuels sans issue. Voilà, entre autres motifs, pourquoi je parle de ces questions. Ne nous laissons pas avoir par le vain divertissement des "concepts anti-concepts".

Article de David Dubois.



On rapprochera cette réflexion de Sri Aurobindo, La vie divine, Albin Michel Spiritualités vivantes, tome 2, p.45 :

Il y a donc une Réalité suprême éternelle, absolue et infinie. Parce qu’elle est absolue et infinie, elle est en essence indéterminable. Elle est indéfinissable et inconcevable par le Mental fini et définissant ; elle est inexprimable dans un langage créé par le Mental ; elle n’est descriptible ni par nos négations, neti neti (car nous ne pouvons la limiter en disant qu’elle n’est pas ceci, pas cela), ni par nos affirmations, car nous ne pouvons la fixer en disant qu’elle est ceci, cela, iti iti. Et cependant, bien qu’elle nous soit inconnaissable de cette façon, elle n’est pas absolument et de toutes manières inconnaissable ; elle est évidente pour elle-même, et quoique inexprimable, elle est cependant évidente pour une connaissance par identité dont l’être spirituel en nous doit être capable ; car cet être spirituel, en son essence et en sa réalité intime et originelle, n’est autre que cette suprême Existence.
Ici je propose la suite de ce passage et une tentative d'explication. 

vendredi 2 mars 2012

DETERMINISME, GRÂCE ET LIBERTE. épisode 3.

Dans ses Lettres sur le yoga, vol.2, p.284, Sri Aurobindo écrit :

En réalité, la liberté et le déterminisme sont seulement deux aspects de la même chose, car la vérité fondamentale est l'auto-détermination du cosmos et, en elle, une auto-détermination secrète de l'individu. La difficulté provient du fait que nous vivons dans le mental superficiel d'ignorance, ne savons pas ce qui se passe à l'arrière-plan et voyons seulement le processus phénoménal de la Nature. Là, le fait apparent est un déterminisme écrasant de la Nature, et comme notre conscience de surface fait partie de ce processus, nous sommes incapables de voir l'autre terme de la réalité à la fois double et unique. Pratiquement, il y a à la surface un déterminisme complet dans la Matière - bien que cela soit maintenant contesté par l'école scientifique la plus récente. À mesure qu'émerge la Vie, une certaine plasticité s'établit, de sorte qu'il est difficile de prédire exactement quoi que ce soit, comme on prédit les choses matérielles qui obéissent à une loi rigide. Cette plasticité augmente avec la croissance du Mental, si bien que l'homme peut avoir le sentiment d'un libre arbitre d'un choix dans son action, d'un mouvement propre qui aide au moins à déterminer lés circonstances. Mais cette liberté est douteuse parce qu'on peut dire qu'elle est une illusion, un artifice de la Nature, une partie de son mécanisme déterministe, seulement une liberté apparente ou tout au plus une indépendance restreinte, relative et subordonnée.
 
C'est seulement quand on passe à l'arrière-plan en s'éloignant de la Prakriti pour aller vers le Purusha et en s'élevant du Mental au Moi spirituel que l'aspect de liberté apparaît d'abord comme évident, puis devient complet lorsqu'on est à l'unisson de la Volonté qui est au-dessus de la Nature.
 Sri Aurobindo dans le même volume de ses Lettres sur le yoga écrivait p.282-283 :
Dans la question que vous soulevez au sujet de Socrate et de l'ivrogne invétéré, la distinction que vous faites est correcte. L'homme dont la volonté est faible est gouverné par ses impulsions vitales et physiques, son être mental n'est pas assez dynamique pour obliger sa volonté (celle de l'être mental) à les dominer. La volonté de cet homme n'est pas "libre", parce qu'elle n'est pas assez forte pour être libre, elle est l'esclave des forces qui agissent sur la nature vitale et physique de cet homme ou en elle. Dans le cas de Socrate, la volonté est libre au point qu'elle se tient au-dessus du jeu de ces forces, et il est déterminé, par son idée et sa résolution mentales, ce qu'il fera ou ne fera pas. Reste la question de savoir si la volonté de Socrate n'est libre que dans ce sens, étant déterminée elle-même en réalité par quelque chose de plus vaste que la mentalité de Socrate, quelque chose dont elle est l'instrument - que ce soit une Force universelle ou un Être en lui dont son démon était la voix et qui non seulement donnait à son mental cette perception décisive de l'idéal mental, mais le poussait impérativement à agir en obéissant à cette perception. Ou elle pouvait être soumise à une connexion entre le Purusha intérieur et la Force universelle. Dans ce dernier cas, il y aurait eu un équilibre instable entre le déterminisme de la Nature et une auto-détermination venant de l'intérieur.

Si nous partons du point de vue du Sâmkhya, cet être (c'est-à-dire celui dont son démon était la voix) serait l'âme ou Purusha; et dans Socrate, avec sa volonté puissante, autant que dans l'homme à la volonté faible, esclave de son impulsion vitale, l'action et ses résultats seraient déterminés par l'assentiment ou le refus du Purusha. Dans le second cas, le Purusha donne son consentement au jeu des forces de la nature, à l'habitude de l'impulsion vitale, et les subit par une soumission vitale tandis que le mental observe, impuissant. En Socrate, le Purusha a commencé à s'émanciper et à décider ce qu'il acceptera ou n'acceptera pas; l'être conscient a commencé à s'imposer aux forces qui agissent sur lui. Cette maîtrise est devenue si complète qu'il peut en grande partie déterminer ses propres actions et peut même, dans certaines limites, non seulement en prévoir, mais en fixer les résultats, de sorte que ce qu'il veut se produira tôt ou tard.
Le Surhomme, pour sa part, est l'être conscient dont l'émancipation est complète parce qu'il s'est élevé à une position au-delà des limites du mental. Il peut déterminer son action en complet accord avec une perception qui voit toutes les forces agissant sur lui, en lui et autour de lui, et il est capable, au lieu de les subir, de les utiliser et même de les déterminer.