mercredi 26 septembre 2012

REALISER L'ULTIME VACUITE EST A LA PORTEE DE TOUS. C'EST UN CAMP DE BASE DE L'AVENTURE SPIRITUELLE.

Dans une approche comme celle de Douglas Harding, c'est d'abord la vacuité qui est réalisée. Le chemin spirituel consiste à jouir de cette réalisation ou prise de conscience. Il ne s'agit pas de réaliser la présence de la vacuité : personne ne s'éveille, l'éveil n'est ni une possession ni une qualité de ma personnalité. C'est une Bonne Nouvelle, tout le monde est invité au banquet du Royaume des cieux. Aucun certificat de bonne conduite n'est exigé. Beaucoup de voies spirituelles estiment cependant que l'éveil de la vacuité est le fruit d'efforts, d'ascèses multiples et répétées, d'une mise en ordre de l'ego sans précédent.

Tout l'enjeu est donc de savoir si les expériences de Douglas Harding nous permettent ou non que se fasse la conscience de cette ultime vacuité. 


Quand je pointe vers ce qui observe, le phénomène de sensation-pensées "je" devient lui-même relatif à ce qui observe. Ce qui observe, ce qui est pointé par le doigt n'a aucune caractéristique : aucun visage ici, rien d'individuel, aucune forme, aucune couleur, rien de localisable, rien de datable. Il ne s'agit pas de penser mais de percevoir ce que pointe le doigt. Ce qui est pointé est donc un vide conscient, une vacuité.

Le doigt pointe son absence de substantialité mais de l'autre côté ce qui est perçu n'est-il pas perçu en elle ? En cette vacuité, tout apparait. Si elle est une dimension ultime de notre vraie nature, nous ne saurions aller où elle n'est pas.

Comment distinguer cette vacuité de ce qui fait exister ce qui est observé ? Sans nul doute, cette vacuité est à la source de ce qui apparaît. En cette vacuité, il y a ce qui fait tout exister être y compris le "je" que nous pensions seulement être. Le "je" est alors donné à lui-même par la force de création ou de manifestation de toute chose qui forcément se tient en cette vacuité.

Je ne suis pas immédiatement conscient des galaxies, du système solaire, des structures sociales et psychologiques ou encore des cellules, des molécules ou des atomes. Mais ce que suis ici et maintenant en cette vacuité implique tout ce qui est.
 
Comment ne pas penser que la vacuité pointé par le doigt est la vacuité ultime ?

Pour vraiment jauger de la vérité de ces expériences, il faut vraiment rester attentif à ce que pointe ce doigt vers ce que les autres estiment un visage. Si on admet qu'il y a bien là la vacuité ultime quête des chercheurs spirituels, reste à apprendre à en jouir.

Jouir de cette réalisation n'est souvent pas une mince affaire. On nous dit de prêter attention à CELA en amont : pratique simpliste s'il en est. Mais immanquablement ce geste ne se fait pas, ne se fait que pour un court instant et semble bien difficile à faire. Pour beaucoup d'entre nous dans les premiers temps, jouir de cette réalisation ne se maintient donc pas et cela même si nous en avons perçu toute l'évidence. Cette réalisation semble s'éloigner de nous par notre manière personnelle d'être. Il s'agit donc de laisser la vacuité se réaliser en profondeur à travers toute notre personnalité, à faire disparaître les mécanismes d'oubli, d'enfermement de notre personnalité. 

Mais là encore il est bien question d'une voie ensoleillée : il suffit de contourner en nous ce qui empêche de jouir en constatant que CELA demeure en arrière plan quoique nous fassions. Le moyen simple de contournement est de revenir à l’œil unique, au seul champ de conscience pure, à l'Esprit qui enveloppe notre ego, notre âme, le monde et les autres.

La méditation est le geste par lequel nous vivons à partir de CELA. Autant dire comme Prajnanpad qu'il s'agit juste pour s'éveiller de se débarrasser des obstacles à la méditation. Mais partant d'une vue de ce qui est depuis toujours éveillé, ce travail est bien facilité. Il ne s'agit pas d'un effort d'ascension où l'on ignore à quelle distance on se tient du sommet où le ciel dégagé resplendi. Nous n'avons pas besoin d'un gourou derrière chacun de nos pas. Le geste de Douglas Harding ne nous donne pas un aperçu de l'ultime vacuité mais vraiment IL NOUS Y PLONGE et le travail de purification s'effectue aussi et surtout à partir de cette liberté.

Nous devons être prêt à relâcher nos dramatisations du réel pour vraiment vivre à partir du Réel. C'est lors de nos dramatisations qu'il faut pratiquer les expériences qui redonne à la vacuité sa clarté. Ce sont nos tendances à dramatiser qu'il faut remettre entre les mains de CELA que nous connaissons facilement comme ultime vacuité. Relâcher cet égocentrisme dramatique consiste juste à se retourner vers le Réel à partir duquel CELA est. Seule la prise de conscience de la vacuité produit une désidentification de nos tendances psychologiques à dramatiser avec complaisance. Il est dur de reconnaître qu'une part de notre personnalité aime demeurer et vivre en souffrance alors que nous jurions vouloir le bonheur.

Jouir de CELA est la seule difficulté réelle car CELA se montre assez aisément ne serait-ce qu'en pointant du doigt l'endroit où les autres situent notre visage. Mais jouir de CELA est délicat s'il s'agit de ne pas démissionner du quotidien, de s'enfuir ailleurs. Mais agir au quotidien à partir de CELA revient à agir à partir de ce qui ne peut pas être blessé (que ce soit bénignement ou mortellement), affecté au niveau de son équanimité (que ce soit négativement ou positivement). Il s'agit de jouir de CELA qui donc est paix éternelle c'est-à-dire atemporel, immortel, calme, serein, tranquille quoi qu'il arrive. Au cœur de ce que nous sommes, la présence de CELA nous apaise, nous calme, une sérénité advient en nous se diffusant en jouissant de CELA.
Nous pensons, nous nous émouvons le plus souvent à partir de nos préférences personnelles, seul CELA ressent et voit vraiment nous permettant ainsi de penser plus objectivement.

Cette étape où la souffrance est vraiment abandonnée à sa racine en la personne pour et par CELA et donc l'enracinement de la vision de CELA au quotidien prépare ou accompagne un autre développement.

Notre individualité en CELA peut se découvrir un cœur où elle baigne par excellence en CELA. La jouissance de CELA se traduit alors par une expérience d'un amour inconditionnel et non préférentiel. Est-ce une dimension cachée de CELA l'ultime vacuité qui se révèle ou est-ce un effet du rayonnement de CELA dans la conscience de notre personne même ? En tout cas, cette dimension est souvent vue comme l'accomplissement de l'éveil, le moment où il devient irréversible en la personne.

Cette purification et cette descente dans le cœur à partir de la vue de l'ultime vacuité ouvre une aventure nouvelle.

Notre volonté individuelle elle-même se transforme subtilement. Parfois se ressent l'évidence d'un alignement de celle-ci avec la manifestation "voulue" par CELA. L'ultime vacuité signifiait surtout une acceptation du jeu des apparences et une adaptation aux apparences dans leur nudité alors qu'autrefois nous vivions dans notre monde. Dans cette aventure spirituelle, nous pouvons aller au-delà de la simple acceptation de ce qui est ici et maintenant sans condition et sans réflexion, nous pouvons entrer dans les secrets du DEVENIR de CELA et nous pouvons apprendre à le servir.

dimanche 16 septembre 2012

CARTES POUR UNE EXPLORATION SPIRITUELLE.

LE SILENCE ÉTERNEL DE TOUS CES ESPACES M'EFFRAIE...


ICI TOUT EST VU A PARTIR D'UN RIEN, D'UNE VACUITÉ.

UNE DESCENTE DANS LE CŒUR S'EFFECTUE ; L'EGO EST DE MOINS EN MOINS LE CENTRE DE L'ESPRIT. IL Y A UNE NAISSANCE A L'ÂME.

LE RIEN DE L'ESPRIT EST UNE TENEBRE LUMINEUSE D’OÙ JAILLIT UNE LUMIÈRE DIVINE.


RESTE A FAIRE LA VOLONTÉ DIVINE POUR VRAIMENT DEVENIR ÂME CONSCIENTE.

mardi 11 septembre 2012

AVATAR OU LES LIMITES DE L'HYPERMODERNISME.


Le brillant article d'Olivier Breteau est à consulter en préambule en cliquant ici. Il met en vis-à-vis le film La Belle Verte de Coline Serreau et le film Avatar de James Cameron. Il tient le film La belle verte pour un film représentatif du Mème vert (postmoderne) et le film Avatar comme représentatif du Mème Jaune (hypermoderne voire integral ?). Pour aller vite, la Belle verte insiste sur un rejet du monde économico-technoscientifique né avec la modernité tandis que Avatar bien qu'il en critique l'avidité semble en intégrer les meilleurs éléments puisque par exemple le héros grâce à ce monde moderne hérite d'un nouveau corps ou encore sait manipuler les armes de ses adversaires.

On peut souscrire à l'idée qu'une nostalgie des sociétés premières et un rejet de la modernité hantent le Mème vert : son rejet de la modernité revient souvent pour lui à scier la branche sur laquelle il est pourtant assis. La rationalité moderne offre par exemple la structure mentale pour comprendre les structures précédentes. Les sociétés premières confrontées à la modernité disparaissent. L'erreur postmoderne  souvent conduit à voir dans notre crise actuelle l'âge de fer prophétisé par les sociétés prémodernes. Il n'est pas indifférent que les postmodernes et les penseurs de l'extrême-droite nostalgiques du prémoderne contre la modernité empruntent alors souvent les mêmes références philosophiques : Guénon, Heidegger, l'Advaïta Vedanta (version Shankara), etc... Même si le postmoderne se réfère à une prémodernité clanique et rejette la prémodernité hiérarchique et héroïque, son propos peut facilement être détourné par des antimodernes nostalgiques des hiérarchies ethniques. Le postmoderne authentique réintègre forcément face à ces dérives une dimension humaniste qui le rapproche de la modernité même s'il proclame justement la non maîtrise du sens et la fin de l'homme moderne.

L'hypermoderne a conscience lui de l'apport de la modernité. Il a pris conscience du flou postmoderne tout en embrassant sa vision de la fin des méta-récits, de l'incapacité à mettre la vérité en équation ou en système. Il ne renonce pas à la vérité, il y a du faux, de l'erreur, de l'illusion et du mal. La vérité s'approche négativement, elle s'esquisse, et c'est avant tout une manière d'être qui nous en approche. Ce n'est plus seulement un principe extérieur (Dieu, les lois scientifiques) comme chez les prémodernes et les modernes. L'écologie n'est plus envisagée comme un retour à la nature : il s'agit de repenser nos technologies comme intégrées au monde du vivant et à sa constante évolution.

Cliquer puis afficher l'image pour voir en détail.
Toutefois concernant la vision de La belle Verte confrontée à celle d'Avatar. Il y a certains points qui selon moi dessinent une vision au-delà de l'hypermodernité contre un certain flou hypermoderne que nous commençons à peine à entrevoir. 

On notera que Coline Serreau aujourd'hui milite clairement dans le mouvement Colibris. James Cameron dans ses engagements soutient des projets comme la colonisation de Mars ou bien s'engage avec des indiens Kayapos contre un barrage au Brésil.

Reconnaissons que Colibris n'appelle pas à mettre fin au monde technologique, il en appelle à la sobriété. Son usage d'internet, des médias est moderne voire hypermoderne puisque politiquement Colibris lutte contre la représentation politique de type moderne centré sur l'homme médiatique audio-visuel usant de rhétorique publicitaire. Les habitants de la Belle verte utilise des techniques mêmes si elles ont une forte dimension spirituelle et par ailleurs leur propos est souvent de bon sens et bien loin du new age avec ses prétentions.

Si on veut confronter en profondeur les visions mentales des deux films, on peut regarder des images des rassemblements :
Rassemblement sur la Belle Verte

Rassemblement du peuple Na'vi
On voit nettement que le rassemblement de la Belle Verte est plus anarchiste que celui des Na'vis. Le rassemblement Na'vi est très structuré et centré, celui de la Belle Verte est plus chaotique, d'un ordre plus diffus mais à l'évidence plus ouvert à l'individualisation. Celui des Na'vis rappelle un rituel des sociétés premières où l'extase collective efface le sentiment de soi-même individu.

Il y a dans les visions systémiques hypermodernes des tentations subtiles de retour à des formes de "hiérarchies". Ce n'est plus une pyramide avec un chef mais c'est une organisation très structurée selon des niveaux de développement préalablement pensés et le tout centré autour de leaders. Ceci résonne bien entendu avec les holons et l'holarchie de Wilber qui pourraient se traduire en holacratie politique alors que la vision de La Belle Verte préfigure la sociocratie, une démocratie directe fondée sur le consentement et l'objection argumentée où tous sont égaux en pouvoir de décision. L'holacratie entend inclure et transcender la sociocratie. Elle inclut des techniques qui permettent de limiter les parasitages égocentriques ou égoïstes dans les processus de décisions collectives. Sur ce point elle va plus loin effectivement que la sociocratie mais on peut craindre que par des dérives, l'holacratie ne revienne à un système de castes méritocratique ou développementaliste tel que celui de Platon dans la République. Quoi qu'il en soit cette vision est fondée sur des leaders. Le philosophe plus socratique que platonicien n'a pas l'ambition d'être un leader mais une autorité partageant le pouvoir, un accoucheur d'âme au service de grandes forces de conscience créatrice. Une telle approche de l'autorité a malheureusement peu de place dans les systèmes de gouvernance. Les propos de Ken Wilber sur la démocratie sonnent à cet égard davantage platoniciens que véritablement socratiques : il y a une fusion du leader et du philosophe. Il y a une notion évidente de niveaux de décision ou de leadership qui demeure dans l'entreprise : l'holacratie y est adapté. Cependant il faut déjà qu'émerge l'âme pour reconnaître des leaders dignes de respect au niveau politique : des autorités critiques formant des contre-pouvoirs sont nécessaires tant que les organisations et les leaders ne travaillent que pour leur travail et non pour le divin. Au niveau politique, où les compétences ne donnent pas plus de droit à un citoyen, qu'est-ce que cela signifierait donner du pouvoir à un leader compétent ? "Être au service de l'organisation et de ses buts" en limitant la part de l'ego peut entrer en conflit avec une évolution de la conscience reposant sur une émergence de l'âme des tréfonds de l'ego : il faudrait bien distinguer l'impulsion personnelle de l'ego qui fait barrage d'une impulsion créatrice qui a besoin de se rebeller contre les limitations inévitables du collectif. La vérité d'une âme peut émerger salutairement à l'encontre du leader dont l'action juste précédemment était pourtant en pointe du mouvement évolutif. On peut en conclure que l'holacratie reste un instrument mental qui peut servir des forces de conscience plus ou moins éclairées. Si vraiment l'individualité créatrice s'exprimait, elle ne rentrerait certainement pas dans son action collective dans des schémas mentaux stables, il y aurait sans cesse des structures organisationnelles en changement. Le caractère organique et évolutif de l'holacratie n'est pas encore celui d'une communion d'âmes exprimant une anarchie divine.

Assurer sérieusement l'égale dignité humaine, chaque âme étant comme "le Fils de Dieu créateur", simultanément avec l'inégal développement spirituel conduit à des pratiques toujours plus subtiles de l'autorité et du partage de pouvoir (comme dans nos propres familles) qu'aucun système de pensée ne peut à lui seul opérer.

Diverses photos du film Avatar ou inspirées comme celles du rassemblement Na'vi pointent le moment spirituel du film Avatar. Un soldat terrien handicapé habitait un corps d'extraterrestre pour s'infiltrer dans le peuple habitant cette planète que voulait exploiter la terre pour ses ressources mais il choisit les intérêts et les valeurs de ce peuple. Il choisit une vie au plus proche de la nature contre l'avidité économique de notre monde techno-scientifique. C'est au cœur de la forêt grâce à un arbre qui relie toute la forêt ses végétaux, ses animaux et aussi ses humanoïdes pensant par ses racines et des formes volantes.


La nature obéit à un paradigme informatique. Les organisations hypermodernes s'inspirent à l'évidence de ces paradigmes : réseaux, centres mais non sommet (comme dans la hiérarchie traditionnelle), niveaux d'organisations (hardware, software, etc.)... L'intérêt de cette approche est de souligner l'interdépendance du vivant. Toutefois on pressent nettement une nouvelle forme d'anthropomorphisme caractérisant l'hypermodernisme comme autrefois la modernité en a fait une en regardant la nature comme une mécanique.
Un regard attentif voit à l'évidence que le vivant ne fonctionne pas en suivant ces principes. Il est nettement plus subtil encore. Par exemple le vivant a une capacité d'adaptation aux catastrophes que notre technologie n'a pas encore permis d'atteindre puisque certaines catastrophes d'origine technologique peuvent conduire à la paralysie de nos activités voire au pire mettre définitivement fin à notre humanité. Le vivant lui même a échappé et s'est remis de 5 catastrophes qui ont provoqué des extinctions d'espèces vivantes majeures. La 6ème extinction d'espèces en cours dont nous sommes les auteurs montre que l'évolution de notre connaissance-action sur le monde reste encore fort ignorante. Bergson hier, le posthumanisme ou Abdennour Bidar aujourd'hui évoquent un supplément d'âme pour être responsable de notre puissance technologique et ils n'envisagent le futur que du point de vue techno-scientifique. Cette attente d'un supplément d'âme  m'apparaît faire parti du flou hypermoderne : il faudra certainement que s'impose en politique une sobriété techno-scientique  pour éviter d'inévitables abus par les plus inconscients.


On remarquera  qu'il y a sur ces points là un flou hypermoderne qui est sans doute de la même nature que celui qui se joue  avec les conceptions de la gouvernance : la confusion de la connaissance-action avec la techno-science ou diverses formes de pensées systémiques. Cette confusion hypermoderne se produire même si notre mental a développé des capacités centauriques que Wilber décrit en ces termes :
La structure de base de la conscience à ce stade est la logique visionnaire ou logique réseau, c’est une forme de conscience intégrative et synthétique (…).
La logique visionnaire additionne les parties et voit les réseaux d’interactions (…)
Tant que nous n'aurons pas entendu le message de Sri Aurobindo sur les limites intrinsèques de toute conscience mentale, nous en resterons à ce flou hypermoderne :
Le Mental, d'abord, ce souverain enchaîné et empêtré de notre vie humaine, est essentiellement une conscience qui mesure, limite, découpe les formes des choses dans le tout indivisible, et les contient comme si chacune était une unité séparée. Même aux choses qui, de toute évidence, n'existent que comme parties et fractions, le Mental impose cette fiction propre à son commerce ordinaire, les traitant séparément, et non pas simplement en tant qu'aspects d'un tout. Car, même quand il sait que ce ne sont pas des choses en soi, il est obligé de les traiter comme telles; il ne pourrait autrement les soumettre à son action caractéristique. C'est ce caractère fondamental du Mental qui conditionne le fonctionnement de tous ses pouvoirs d'action, que ce soit la conception, la perception, la sensation ou les opérations de la pensée créatrice. Il conçoit, perçoit, sent les choses comme si elles se découpaient rigidement sur un fond ou dans une masse et il les utilise comme unités fixes du matériau qui lui est donné pour ses créations ou ses possessions. Toute son action et tout son plaisir se rapportent donc à des ensembles qui font partie d'un ensemble plus grand, et ces ensembles subordonnés sont eux-mêmes fractionnés en parties qui, à leur tour, sont traitées comme des ensembles pour les desseins particuliers qu'elles servent. Le Mental peut diviser, multiplier, ajouter, soustraire, mais il ne peut dépasser les limites de cette mathématique. S'il passe au-delà et tente de concevoir un tout véritable, il se perd dans un élément étranger ; il tombe de sa terre ferme dans l'océan de l'intangible, dans les abîmes de l'infini où il ne peut percevoir, ni concevoir, ni sentir, ni traiter son sujet pour sa création et son plaisir. Car si le Mental semble parfois concevoir, percevoir, sentir ou goûter et posséder l'infini, c'est seulement en apparence et toujours comme une simple représentation de l'infini. Ce qu'en fait il possède ainsi de façon vague, n'est qu'une Immensité sans forme et non pas le réel infini aspatial. Dès qu'il essaie d'entrer en rapport avec cet infini, de le posséder, aussitôt sa tendance innée à la délimitation intervient, et il recommence à manier les images, les formes et les mots. Le Mental ne peut posséder l'infini, il ne peut que le subir ou être possédé par lui ; il ne peut que s'étendre dans une bienheureuse impuissance sous l'ombre lumineuse du Réel projetée sur lui depuis des plans d'existence hors de sa portée.

Les pouvoirs occultes eux-mêmes comme la télépathie, réminiscence des vies antérieures, etc., s'ils sont sans doute réalisables, ne sont pas exempts de ces défauts du mental. Dans les années 20, il y a eu pour Mère et Sri Aurobindo, la question de l'occultisme amplifiée par une conquête du domaine surmental des dieux. Pour Sri Aurobindo, les pouvoirs occultes sont encore pour lui une expression du mental voire d'un sur-mental (encore mental!). Même si grâce à un développement spirituel, ils deviennent éloquents et impressionnants, ils ne constituent pas un saut évolutif : on tire sur le caoutchouc de l'être (la matière, la pulsion, l'émotion, la pensée) mais on ne le change pas en profondeur. Les lois demeurent avec leurs impasses : qui sait si Jésus n'a pas ressuscité Lazare mais encore aujourd'hui la victoire contre la mort n'est pas un fait établi car Lazare est bien mort et personne ne peut attester de la présence du corps de Jésus-Christ.

La techno-science a et peut encore considérablement allonger notre espérance de vie mais elle ne pourra pas davantage vaincre la mort. D''une part elle a toujours des conséquences néfastes imprévues. D'autre part, elle n'échappe pas aux accidents ontologiquement inhérent au manque de conscience d'un système technologique externalisé. Le cyborg comme forme de vie prolongée est très certainement un manque de sobriété caractéristique du  flou hypermoderne. Mais les lois même du vivant peuvent nous permettre de prolonger notre durée de vie fruit d'un programme génétique dont certaines espèces comme les arbres ou plus encore certaines bactéries semblent moins désavantagées quant à la durée de leur vie. 

La sobriété technoscientifique est une utilisation de la technoscience sobre, limitée et temporaire en attendant d'atteindre un état de conscience, de connaissance et d'être qui la rende inutile. Une technoscience sobre engendrerait un monde techno-scientifique où on envisagerait avec réalisme les ressources requises et où on considère l'impact sur l'environnement y compris du point de vue de l'accident ou de la catastrophe probables.

Quoi qu'il en soit, par les voies occultes ou technoscientifiques, on reste indirectement conscient de ce qui anime l'évolution ou l'auto-création : on peut complétement l'ignorer et si on peut s'en faire une idée, ses clés nous échappent, ce ne sont que des lignes de faits qui dévoilent ses traces. Nous pouvons augmenter des capacités faire du superhomme tout en restant dans les limites de la sobriété mais nous ne savons pas envisager de nouvelles manières de connaître tant que nous des restons un co-auto-créateur inconscient. Pour s'approcher de cette connaissance "supramentale" (et non hyper ou sur - mentale), il nous faudrait d'abord accéder à une intuition dont la précision et la portée directe sur la substance vivante ne peuvent être traduite qu'indirectement et que de manière approximative au niveau mental.

Enlightened(2006). Painting by Hufreesh Dumasia@Auroville.

Le champ sémantique du super ou du supra suggère du merveilleux. L'évolution pourtant n'a rien de miraculeux du point de vue mental : les nouvelles manières d'être de la conscience dans le vivant se sont toujours introduites discrètement, sans bruit au milieu du bruit et de la fureur des anciennes manières d'être de la conscience. Elles se glissent comme du hasard au milieu des anciennes nécessités pour peu à peu les modifier ou les contourner. Ce sont par exemple de petits animaux qui couraient entre les pattes des dinosaures qui préfiguraient la venue de l'être mental à travers la famille des primates sans qu'on ne sache vraiment pas pourquoi un dinosaure n'aurait pas pu évoluer en être mental. Il n'est pas exclu que des êtres silencieux commencent à exister de plus en plus sur ce plan sans que nous le remarquions dès lors que leur action se fait sans fracas. Si ces êtres, ces fils de l'homme révèlent le règne sur terre de la nouvelle manière d'être qu'ils auront incarner individuellement, ce ne sera pas localement, en produisant des miracles, etc. Ce ne sera pas une affaire de gourou, de propagande, etc.

Jésus-Christ en décrivant l'apocalypse en Matthieu chapitre 24 nous donne peut-être un indice de la manifestation possible d'une nouvelle manière d'être pour le gros de l'humanité qui aura ignoré la communion des pionniers œuvrant à sa manifestation universelle à partir de leur aventure (inter)individuelle de la conscience  : 
Si l'on vous dit : 'Le voilà dans le désert', ne sortez pas. Si l'on vous dit : 'Le voilà dans le fond de la maison', n'en croyez rien.
En effet, comme l'éclair qui part de l'orient brille jusqu'à l'occident, ainsi se produira la venue du Fils de l'homme.
Tu demandes quel est le commencement de tout ceci? c'est cette Existence qui s'est multipliée elle-même pour partager sa joie d'être et plonger dans un indénombrable trillion de formes de telle sorte qu'elle puisse se retrouver elle-même innombrablement. Sri Aurobindo.