jeudi 27 juin 2013

L'ENONCE "JE NE SUIS PAS CETTE PENSEE" BIEN COMPRIS MENE VERS LA RELATIVISATION DU MENTAL.

Stephen Jourdain (1931-2009)

Considérons un instant l'énoncé suivant en essayant de lui donner le sens qui lui convient :

JE NE SUIS PAS CETTE PENSÉE.

Plusieurs mésinterprétations :

1 - Confondre cet énoncé avec JE NE SUIS PLUS CETTE PENSÉE. 

Dans JE NE SUIS PAS CETTE PENSÉE, il y a un présent. C'est maintenant en pensant quoi que ce soit que je pourrai éventuellement constater que je ne suis pas ce que je pense. Si je suis libre de penser alors au moment où je pose un acte de penser, il ne me caractérise pas substantiellement au moment même où je le pose. Mais ce n'est pas le pouvoir de penser autrement dans l'instant qui suit qui me garantit toute ma liberté mais le pouvoir de poser un acte de pensée, de totalement m'y engager sans pour autant m'y confondre.

2 - croire qu'il y a dans cet énoncé un non sens entre le fait de penser et d'affirmer ne pas penser alors qu'on pense. En effet l'énoncé JE NE SUIS PAS CETTE PENSÉE n'est pas l'énoncé JE NE PENSE PAS CETTE PENSÉE qui, lui, met en jeu effectivement une contradiction performative. 

L'énoncé JE NE SUIS PAS CETTE PENSÉE ne fait pas auto-référence à moins qu'on confonde JE SUIS avec la substance intérieure où s'étire l'énoncé. Si on croit qu'on est le substrat où se prononce les mots, comment et d'où les mots prennent-ils sens ? L'acte de penser englobe-t-il forcément le JE. Quand il s'entend penser la pensée qu'il lit, est-il cette pensée ? Par extension toute pensée n'est-elle pas comme lue, comme jouée ? Ce qui la rend signifiante habite discrètement sa signification mais ne lui appartient pas.
Suis-je cette pensée ?

 Ce "je ne suis pas cette pensée" peut s'accoler à toutes nos pensées. Pour vraiment le maintenir face à toute pensée et ne pas se laisser prendre par son jeu auto-référentiel, il faudrait distinguer la conscience de la substance pensante que certains nomment le mental.


Ce dessin pointe une double direction : celle d'un mental qui est tourné vers la conscience ou du moins qui ne l'ignore pas dans sa prééminence de lecteur de toute chose, mais ce mental peut continuer à être tourné vers le monde et ne perd pas les bénéfices de son développement pour participer au devenir du monde et des individus.

La conscience pour exister consciemment se "symbolise" dans le mental. Autrement dit elle se réfléchit dans un acte de conscience pensant mais elle peut ne pas s'y enfermer et se retrouver en tant qu'acte de conscience précédant l'acte de conscience pensante, c'est en ce sens qu'elle se "symbolise".

Il faut pratiquer cette attention à double direction pour maintenir comme une correction incessante du mental afin de l'empêcher de retomber dans son illusion. auto-référentielle qui consiste à se croire dans l'état que stipule telle pensée, à implicitement se croire la substance pensante.

Nous ne sommes pas un morceau de la substance pensante séparé du reste des idées et du monde. En profondeur, nous sommes enfants de la conscience infinie qui transcende la substance pensante (le mental) avant même que s'y dessine un territoire avec ses frontières abusivement absolutisées.

C'est l'acte de conscience qui donne sens à la substance pensante qu'il faut corriger en maintenant une attention capable d'une double direction si l'on veut se détacher de toute pensée quelle qu'elle soit et donc par là de toute identification mentale à des émotions (nos émotions dès lors) ou à une forme physique individuelle (notre corps dès lors).

L'acte pur de conscience infinie est l'intérieur de l'intériorité.