samedi 27 septembre 2014

LA VIOLENCE EDUCATIVE SOURCE DE RACISME, D'INTEGRISME, ETC. Avec Alice Miller et la spirale dynamique.

Pourquoi les fessées, les gifles et même des coups apparemment anodins 
comme les tapes sur les mains d’un bébé sont-elles dangereuses ?
Elles lui enseignent la violence, par l’exemple qu’elles en donnent.
Elles détruisent la certitude sans faille d’être aimé dont le bébé a besoin.
Elles créent une angoisse : celle de l´attente de la prochaine rupture.
Elles sont porteuses d’un mensonge : elles prétendent être éducatives alors qu’en réalité elles servent aux parents à se débarrasser de leur colère et que, s’ils frappent, c’est parce qu’ils ont été frappés enfants.
Elles incitent à la colère et à un désir de vengeance qui restent refoulés et qui s’exprimeront plus tard.
Elles programment l’enfant à accepter des arguments illogiques (je te fais mal pour ton bien) et les impriment dans son corps.
Elles détruisent la sensibilité et la compassion envers les autres et envers soi-même, et limitent ainsi les capacités de connaissance.
Quelles leçons le bébé retient-il des fessées et autres coups ?
Que l’enfant ne mérite pas le respect.
Que l’on peut apprendre le bien au moyen d’une punition (ce qui est faux, en réalité, les punitions n’apprennent à l’enfant qu’à vouloir lui-même punir).
Qu’il ne faut pas sentir la souffrance, qu’il faut l’ignorer, ce qui est dangereux pour le système immunitaire.
Que la violence fait partie de l’amour (leçon qui incite à la perversion).
Que la négation des émotions est salutaire (mais c’est le corps qui paie le prix pour cette erreur, souvent beaucoup plus tard).
Qu’il ne faut pas se défendre avant l’âge adulte.
C’est le corps qui garde en mémoire toutes les traces nocives des supposées «bonnes fessées».

Comment se libère-t-on de la colère refoulée ?

Dans l’enfance et l´adolescence :
On se moque des plus faibles.
On frappe ses copains et copines.
On humilie les filles.
On agresse les enseignants.
On vit les émotions interdites devant la télé ou les jeux vidéo en s’identifiant aux héros violents. (Les enfants jamais battus s’intéressent moins aux films cruels et ne produiront pas de films atroces, une fois devenus adultes).
A l’âge adulte :
On perpétue soi-même la fessée, apparemment comme un moyen éducatif efficace, sans se rendre compte qu’en vérité on se venge de sa propre souffrance sur la prochaine génération.
On refuse (ou on n’est pas capable) de comprendre les relations entre la violence subie jadis et celle répétée activement aujourd’hui. On entretient ainsi l’ignorance de la société.
On s’engage dans les activités qui exigent de la violence.
On se laisse influencer facilement par les discours des politiciens qui désignent des boucs émissaires à la violence qu’on a emmagasinée et dont on peut se débarrasser enfin sans être puni : races « impures », ethnies à « nettoyer », minorités sociales méprisées.
Parce qu’on a obéi à la violence enfant, on est prêt à obéir à n’importe quelle autorité qui rappelle l’autorité des parents, comme les Allemands ont obéi à Hitler, les Russes à Staline, les Serbes à Milosevic.
Inversement, on peut prendre conscience du refoulement, essayer de comprendre comment la violence se transmet de parents à l’enfant et cesser de frapper les enfants quel que soit leur âge. On peut le faire (beaucoup y ont réussi) aussitôt qu’on a compris que les seules vraies raisons de donner des coups «éducatifs» se cachent dans l’histoire refoulée des parents.

Alice Miller

(Chacun est libre de diffuser ce texte, sous condition de ne rien y changer.)

Si le raisonnement d'Alice Miller est juste, tout embrigadement idéologique est en fait basé sur la violence physique et/ou psychologique. Non seulement une idéologie intolérante qu'elle soit politique ou religieuse trouve grâce à une telle éducation des personnes obéissantes déconnectées très fortement de leur âme mais aussi elle pourra facilement intégrer la légitimité de la violence physique et/ou psychologique contre ceux qui s'y opposent.

LUTTER CONTRE LES IDÉOLOGIES PERVERSES ET INTOLÉRANTES PASSE DONC PAR UNE LUTTE CONTRE LES VIOLENCES ÉDUCATIVES.

Dans l'approche mémétique que propose la théorie de la spirale dynamique, tous les systèmes de représentations culturelles peuvent se ramener à une question d'équilibre entre le point de vue du développement de la conscience individuelle relativement à celui du développement de la conscience collective.
Cliquez sur l'image pour la voir en détail.

La violence éducative tant physique que psychologique met donc en jeu nos représentations culturelles.


On pourrait donc faire des hypothèses quant aux liens entre schémas culturels, éducation et usage de la violence éducative.

La violence éducative sans pondération est caractéristique du Mème rouge égocentrique ou du Mème beige de survie. Dans le Mème beige de la survie, l'enfant est constamment menacé d'abandon ou pire menacé au niveau de sa vie même d'être utilisé en vue de survivre. A ce stade les enfants sont encore mis bas comme les animaux et non élevés. A ce stade l'humanité est en péril.

Le Mème violet clanique mettra en valeur l'apprentissage par mimétisme. La violence sera expulsée en dehors du clan et celui qui se risque à la violence devra regagner la confiance du clan. La violence éducative du Mème violet clanique est plus psychologique que physique puisqu'elle menace d'exclusion un être qui se sait incapable de survivre en dehors du clan. L'enfant qui se sent abandonné ou se fait abandonner lui-même alors qu'il passe lui-même par ce stade clanique violet peut se laisser mourir... Mais du point de vue éducatif, l'éducateur émerge au stade violet : il élève l'enfant qui assure la continuité de la structure sociale qu'il a en vue.

Le Mème rouge qui valorise la force individuelle le plus souvent égocentrique soumettra l'enfant à l'ego de l'adulte par une violence qui signifiera à l'enfant sa faiblesse vitale au point que sa non soumission entraînerait la mise en cause de son intégrité physique. La famille clanique qui subsiste doit préparer l'enfant à grandir dans un monde violent.
Quant la violence éducative devient une violence QUI MARQUE LE CORPS ET TERRORISE L'ESPRIT, et qu'elle n'est pas proportionnée à la faute on se situe donc surement dans la Spirale des valeurs entre le niveau Rouge et Bleu.

La violence éducative pondérée mais récurrente (le coup légitimé par la faute) est intrinsèquement liée au traditionalisme, des formes de communautarismes fascisants ou fondamentalistes.Parfois ces systèmes de représentation réserve la violence physique pour les fautes graves mais elles disposent de tout un lot de contraintes et de menaces psychologiques pour justifier l'amour de l'autorité et de la tradition. Les techniques éducatives du niveau bleu visent alors essentiellement à l'obéissance à l'ordre. Il faut se sacrifier à l'ordre OU SACRIFIER A L'ORDRE. Les expériences de Milgram ont montré le poids de ce Mème dans les années qui précèdent la seconde moitié du XXème siècle.

Le Mème orange s'impose au Mème bleu par son efficacité qui fait autorité. Ainsi une population majoritairement bleue peut se faire se faire diriger par une minorité orange. L'éducation orange tant qu'elle vise l'efficacité convient très bien aux éduqués ayant le Mème bleu.

L'éducation moderne a promue la discipline et le travail pour éduquer. La sanction consistera souvent dans la disparition de la récompense prévue en cas d'exemplarité voire dans une dégradation du confort en terme de nourriture, de communication. L'approche moderne recourra à une violence psychologique plus qu'à une violence psychologique pour que l'individu ne suive pas ses impulsions ou ses habitudes mais agisse en suivant un raisonnement qui intègre ses intérêts aux intérêts sociaux.

Dans nos sociétés hypermodernes, Le Mème orange est dominant socio-politiquement mais il est sans cesse mis en cause par des Mèmes inférieurs (bleu, rouge, violet voire beige) car ses concessions politiques aux exigences du Mème vert pluraliste fragilise son efficacité et son autorité. D'où une crise certaine des modèles éducatifs.

Le terrorisme politique et religieux mais aussi le totalitarisme politique sont alors parfois des tentations. Souvent ces violences sont des réactions pour éviter que les agressions subies ne finissent par se retourner contre soi sous la forme d'états dépressifs, schizo-affectifs, borderline, etc. typiques de celui qui vit avec des troubles post-traumatiques.

Au-delà du modernisme, l'humanisme postmoderne (vert) met en cause la violence car il devient de plus en plus évident qu'il faut se défaire de la concurrence, de la compétition, etc. en faveur de la coopération ou de l'émulation. Le stade vert postmoderne met le dialogue et la non violence au centre de ses valeurs éducatives. La difficulté est d'alors d'affronter le stade rouge par lequel les enfants passent (connus comme étant le stade de l'opposition). Pour faire à ce stade sans retomber dans la violence éducative tant physique que psychologique il faut développer une solide maîtrise de nos émotions de colère, d’irritabilité ou d'agressivité. Pour faire face au stade rouge il faut de la compassion pour la personne qui en est là et est donc incapable de faire attention au point de vue de l'autre. La punition sera plutôt vue comme un système coercitif en vue d'une réhabilitation de l'ego au point de vue de l'autre. On aura dépassé l'angélisme éducatif du stade vert qui souvent ramène à la bestialité pour le Mème jaune qui commence à percevoir une éducation pour une mentalité en évolution à travers divers stades.

Ici l'éducateur aura tendance à aller au-delà d'une psychologie des représentations mentales et de l'intelligence émotionnelle pour envisager d'être au plus intime de soi au service de la seule et unique conscience pure où s'enracinent toutes les formes de lucidité. Car cette seule et unique conscience se déploie et cherche à se manifester de plus en plus consciemment en l'autre et à travers l'autre. Ce sera le stade turquoise où l'éducation est au service d'une attention élargie.

De là on en vient si on se libère de toutes nos forteresses mentales à servir le principe d'individualisation de la conscience transcendante et universelle à l’œuvre en l'autre. On serait alors une âme en évolution  à la fois dans sa singularité et dans sa participation à celle de l'univers. L'éducation corail consisterait à se mettre au service d'une autre âme elle-même en évolution.

Voici donc pour finir une réécriture de la spirale dynamique du point de vue de l'éducation et de la violence telle qu'elle se la représente.

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vendredi 12 septembre 2014

LA COMMUNION AU SENS SPIRITUEL au-delà de la relation maître-disciple.


Louis Lavelle dans Le mal et la souffrance, deuxième essai, décrit la communion proprement spirituelle et je montre entre crochet comment une spiritualité authentique implique dès lors le dépassement de la relation d'enseignant spirituel (maître) à enseigné (disciple) :


Cette troisième espèce dinfluence qui ne va point de lindividu à lindividu, soit dans le même sens [première forme d'influence], soit dans un sens réci­proque, [deuxième forme d'influence] mais qui découvre aux individus une source universelle dans laquelle cha­cun deux puise à la fois la lumière qui léclaire et la promesse dun infini déve­loppement, cette influence dont lindividu est linstrument et non pas lagent peut être nommée elle‑même trans‑individuelle. Elle réalise dune certaine manière la syn­thèse des deux précédentes et donne à chacune delles sa valeur et sa significa­tion. Car le prestige dun individu [première forme d'influence] asservit toujours celui qui le subit, au lieu que lascendant dun idéal dont lindividu est linterprète libère celui qui le contemple par son moyen, et qui soblige à le faire vivre en lui, dune vie qui est aussi la sienne. Et linfluence mutuelle des indi­vidus nenrichit et ne dilate chacun deux, au lieu de les resserrer plus étroitement dans leurs propres frontières [effet souvent du deuxième type d'influence], que si elle emprunte les ressources dont elle dispose à un principe dont ils dépendent lun et lautre et auquel ils doivent sunir dabord pour devenir capables de sunir entre eux.
En disant que les biens spirituels ne peuvent pas être dissociés de la personne même qui les possède et les met en œuvre, nous voulions dire quon ne peut jamais les considérer comme des choses toutes faites qui pourraient nous être données et que nous naurions quà recevoir : il faut sans cesse les acquérir. Celui dont nous pensons quil est capable de nous les com­muniquer sest fait lui-même en les faisant siens ; il nous invite à nous faire nous-même en les partageant [Ceci peut concerner une relation maître-disciple]. Dès lors, nulle influence nest bonne que si elle permet à la personne de se constituer, au lieu de lobliger à seffacer et à abdiquer [Le maître authentique ne confond pas l'humiliation de l'ego avec un dépassement de l'ego qui permet davantage à l'individu de s'individualiser en harmonie avec l'évolution de l'univers.]. Affirmer la valeur dun autre être, ce nest pas reconnaître en lui une individualité que la nature a comblée de ses dons : cest admirer lusage quil en fait et qui nous invite à faire de ceux que nous avons reçus un usage aussi beau. La valeur nest pas enfermée dans les limites de lindividualité : elle réside dans son emploi, qui la surpasse tou­jours, et qui crée loriginalité même de la vie spirituelle. Il ny a personne qui soit né ce quil doit être, et il ny a personne non plus qui le soit jamais devenu, cest‑à‑dire qui soit arrivé [contre l'idée d'un maître parfait qui ne serait plus lui-même sur le chemin]. Mais personne ne progresse autrement quen sortant de soi, cest‑à‑dire en triomphant de cet attachement à lui-même qui le sépare des autres êtres. Et tous, en sévadant deux‑mêmes, brisent également les murs de leur prison ; ils retrouvent alors limmensité du ciel libre sous lequel ils communient [Dans la tradition spirituelle chrétienne, Jésus insiste sur le fait que devenus conscient de cette communion, il convient de parler d'une relation d'amitié : "Je ne vous appelle plus esclaves, car l'esclave ne sait pas ce que son maître fait ; mais je vous ai appelés amis, parce que je vous ai fait connaître tout ce que j'ai ouï de mon Père.", Jn 15,15. Toute relation maître-disciple qui confine à l'adoration relève du deuxième type d'influence. La relation maître-disciple, enseignant-enseigné accomplie doit être dépassée aussitôt que possible par celle de communion].
Ici on trouvera un recueil de textes de Louis Lavelle.